domingo, 5 de diciembre de 2010

Zola y Cézanne, una amistad más allá del tiempo.

"Ils passaient des jours entiers tout nus, allongés sur le sable brûlant puis plongeaient encore dans l'eau... Ils vivaient pratiquement dans l'eau et la clarté du soleil semblait prolonger leur enfance... ". Emile Zola, L'Oeuvre.






 d'un jeune homme de 20 ans
    «J'arrivais au monde, le sourire sur les lèvres et l'amour dans le coeur. Je tendais la main à la foule, ignorant le mal, me sentant digne d'aimer et d'être aimé; je cherchais partout des amis. Sans orgueil comme sans humilité, je m'adressais à tous, ne voyant passer autour de moi ni supérieur ni inférieur. Dérision! on me jeta à la figure des sarcasmes, des mépris: j'entendis autour de moi murmurer des surnoms odieux, je vis la foule s'éloigner et me montrer au doigt (3). Je pliai la tête quelque temps, me demandant quel crime j'avais pu commettre, moi si jeune, moi dont l'âme était si aimante. Mais lorsque je connus mieux le monde, lorsque j'eus jeté un regard plus posé sur mes calomniateurs, lorsque j'eus vu à quelle lie j'avais affaire, vive Dieu! je relevai le front et une immense fierté me vint au coeur. Je me reconnus grand à côté des nains qui s'agitaient autour de moi: je vis combien mesquines étaient leurs idées, combien sot était leur personnage: et, frémissant d'aise, je pris pour dieux l'orgueil et le mépris. Moi qui aurais pu me disculper, je ne voulus pas descendre jusque-là: je conçus un autre projet: les écraser sous ma supériorité et les faire ronger par ce serpent qu'on nomme l'envie. Je m'adressai à la poésie, cette divine consolation: et si Dieu me garde un nom, c'est avec volupté que je leur jetterai à mon tour ce nom à la face comme un sublime démenti de leurs sots mépris.»Zola, Lettre à Paul Cézanne, 25 juin 1860




« Ce qu’il y a de sûr, c’est que je brûle d’aller : En plongeur intrépide, sillonner le liquide de l’Arc et dans cette eau limpide, attraper les poissons que m’offre le hasard ». Paul Cézanne.





Ce n'est jamais drôle d'être un petit nouveau. Emile avait treize ans lorsqu'il entra au collège Bourbon d'Aix-en-Provence, et dans cette ville, petite, étouffante tant elle était enclavée, il était un étranger. Son père, qui était mort quatre ans auparavant, était italien; Emile lui-même n'est devenu citoyen français qu'à l'âge de vingt et un ans. Sa mère, veuve, arriva du Nord de la France, où il avait passé ses premières années. Au collège, les garçons provençaux l'appelaient le "franciot", à cause de son accent parisien. Il souffrait aussi d'un léger zézaiement. Il n'était pas grand mais il était brillant et du genre à potasser. En fait, il était le souffre-douleur favori. Il fut envoyé en pension.
Il y avait un gamin, légèrement plus âgé et plus coriace qui s'appelait Paul. C'était également un étranger. Lui aussi était d'origine italienne et c'était un enfant illégitime. Il ne descendait pas de l'une de ces anciennes familles bourgeoises ou aristocratiques, qui avaient fait la société collet monté d'Aix. Son père était un dur et rude self-made man qui avait travaillé de sorte à se hisser du statut de fabricant de chapeaux à la fondation de la première banque aixoise et qui avait acheté les quarante-cinq acres du Jas-de-Bouffan, lequel sous Louis XIV, avait appartenu au Marquis de Villars, Gouverneur de Provence. La famille d'Emile était pauvre aux yeux de la société aixoise, celle de Paul c'était pire: c'étaient de nouveaux riches. Ni comme élève, ni à aucun autre moment de sa vie, Paul ne remua le petit doigt pour travailler à sa popularité . Il passa outre les interdictions de la pension, venant en aide à Emile, il se bagarra et fut puni à cause de ses blessures. Le jour suivant, Emile remercia Paul en lui offrant en cadeau un panier de pommes.
Paul était Cézanne et Emile était Zola.
La population d'Aix-en-Provence au XIXe siècle était seulement d'environ 25.000 habitants. Et pour son lycée, avoir pu produire deux figures historiques majeures ressemble à un éclair frappant deux fois au même endroit. Non seulement cela, mais il les avait produit simultanément.
Mais plus extraordinaire, était l'intensité de leur amitié. Les livres sur Zola font référence à son camarade de classe Cézanne, et ceux sur Cézanne à son camarade de classe Zola, comme si chacun était une note dans la vie de l'autre. C'était bien plus que cela. L'amitié entre les deux était de l'intensité de celle de David et Jonathan et, (bien qu'avec des revers) c'était pour la vie.
Batistin Baille est un nom dont on ne se rappellerait pas aujourd'hui s'il n'avait été le troisième des "trois inséparables", bien que son rôle fut toujours subordonné à Cézanne et Zola. Ces trois-là faisaient de longues promenades dans la campagne autour d'Aix, ils pique-niquaient, ils nageaient dans la petite rivière de l'Arc. C'était une existence arcadienne, un idéal du bonheur.



La Sainte Victoire, Paul Cézanne.

 "Il y aurait des trésors à emporter dans ce pays qui n’a pas encore trouvé un interprète à la hauteur des richesses qu’il déploie." Paul Cézanne (Lettre à Chocquet, 11 mai 1886): http://www.youtube.com/watch?v=E91UU6rEqVk&playnext=1&list=PL0C95C1669DC84091&index=6












"Te rappelles-tu du pin qui, planté sur la rive de l'Arc, inclinait sa tête touffue au dessus de la rive escarpée... ".




















"Ils passaient des jours entiers tout nus, allongés sur le sable brûlant puis plongeaient encore dans l'eau... Ils vivaient pratiquement dans l'eau et la clarté du soleil semblait prolonger leur enfance... ".


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